23 juin 2025
Le 29 janvier 2025, la Commission européenne a présenté son projet de « Boussole pour la Compétitivité » (ou « Competitiveness Compass for the EU »), une feuille de route pour les cinq prochaines années, ayant pour objectif le redressement de l’économie et la relance de la compétitivité de l’Union européenne. Ce plan stratégique vient répondre aux préoccupations concernant le retard de l’Europe en matière de productivité et compétitivité par rapport à ses principaux concurrents mondiaux, tels que les Etats-Unis et la Chine.
Essentiellement fondée sur le rapport Draghi , les mesures proposées qui s’appuient sur trois piliers, soutenus par cinq « catalyseurs horizontaux », ne visent pas expressément le secteur de l’assurance. Pourtant, ces initiatives ne seront pas sans conséquences pour les réassureurs, assureurs et intermédiaires d’assurances. Si certains axes permettrait au secteur de l’assurance de bénéficier de nouvelles opportunités et simplifications dans la réglementation qui leur est aujourd’hui applicable, d’autres au contraire pourraient s’avérer plus contraignants.
La Boussole pour la Compétitivité est fondée sur les trois axes visant à stimuler la compétitivité mis en exergue par le rapport Draghi, que sont :
Ces trois grands axes sont complétés par cinq catalyseurs horizontaux :
Si le secteur de l’assurance n’est pas directement visé par ce plan stratégique et les différents axes de développement, certaines dispositions pourraient néanmoins avoir un impact sur les professionnels tels que les réassureurs, les assureurs ou les intermédiaires d’assurance.
Dans un contexte de lourde réglementation du secteur par le droit européen, la publication du package omnibus par la Commission européenne apporte, parmi ses propositions, certains allégements et simplifications réglementaires.
En effet, le package omnibus vise à réduire la bureaucratie en harmonisant notamment les exigences contenues dans la Directive sur le Reporting de Durabilité des Entreprises (« CSRD »), la Directive sur le Devoir de Vigilance des Entreprises (« CSDDD ») et la Taxonomie verte de l’UE.
Selon la Commission européenne, le rehaussement des seuils de déclaration en matière de CSRD aux grandes entreprises comportant plus de 1000 salariés permettrait de réduire le champ d’application des sociétés déclarantes, environ 80% des entreprises initialement concernées en seraient exclues. Pour les 20% restant, la Commission européenne annonce que les normes européennes d’information sur le développement durable (ESRS) sur le fondement desquels les entreprises doivent publier leurs rapports, seront également révisées et simplifiées.
La simplification du cadre réglementaire et des obligations de reporting affichée comme priorité permettrait ainsi de dégager des ressources par la réduction des coûts de mise en conformité des entreprises d’assurance et de réassurance.
Dans ce contexte, il est envisagé la création d’une nouvelle catégorie d’entreprises (« small mid-caps ») comprenant entre 250 et 1500 salariés, qui bénéficieraient également d’allégements des contraintes administratives, jusqu’alors réservés aux PME.
La création d’un statut juridique unique, le « 28e régime », pour les entreprises opérant dans plusieurs Etats membres leur permettra de bénéficier d’un cadre juridique harmonisé en levant les obstacles juridiques nationaux et facilitant ainsi l’accès au marché unique notamment aux plus petites entreprises, telles que les start-ups et scale-ups qui appréhendent difficilement les contraintes locales. Cette initiative pourrait profiter directement aux Insurtechs qui cherchent, et parfois peinent à se développer au sein de l’Union européenne.
Un marché unique plus intégré serait profitable aux réassureurs, assureurs et intermédiaires d’assurance, au sein duquel les complexités réglementaires et opérationnelles seraient réduites et les activités commerciales transfrontalières facilitées. Le secteur de l’assurance bénéficierait d’un marché unique plus homogène, favorisant l’innovation et la croissance.
Dans le prolongement de cette mesure, la mise en œuvre du Portefeuille d’entreprises européennes (« European business wallet ») permettrait aux entreprises de communiquer plus simplement avec les services des administrations publiques. Cet outil serait pertinent pour les professionnels, puisqu’il participerait à la réduction des contraintes et charges administratives, améliorerait l’efficacité et le déploiement des activités transfrontalières, tout en facilitant l’accès aux services publics au sein du marché unique européen.
Concrètement, ce portefeuille présenterait l’avantage de permettre, en sus d’un accès simplifié aux services administratifs, d’outils de conformité et de l’automatisation de certains process, réduisant ainsi la marge d’erreur humaine et participant de l’amélioration de l’efficacité opérationnelle des professionnels du secteur.
Un des avantages majeurs que présenterait ce portefeuille consisterait notamment dans la fourniture d’un cadre numérique sécurisé pour la gestion des identités, permettant ainsi aux assureurs et intermédiaires d’assurance de faciliter leur processus de contrôle en matière de lutte contre le blanchissement de capitaux et financement du terrorisme.
Parmi les mesures envisagées en matière de financement de la compétitivité, la création d'une Union d'épargne et d'investissement consisterait à mobiliser des capitaux pour des investissements à long terme, y compris ceux liés à la transition écologique, en garantissant que les investissements circulent sans discontinuité dans l’Union européenne, en réduisant les obstacles. Cette mesure permettrait aux assureurs d'orienter leurs fonds vers des projets durables et de contribuer aux objectifs climatiques de l'UE.
L'accent mis par la Commission sur la promotion de produits d'épargne et d'investissement à faible coût pourrait également profiter aux professionnels du secteur de l’assurance en raison de la stimulation qu’elle engendrerait sur les produits d’assurance liés à des produits d’investissements ou des pensions.
Néanmoins, si la Boussole apporte de nouvelles perspectives et des opportunités de développement au secteur, elle implique en contrepartie de nouveaux efforts à mener pour se conformer aux nouvelles mesures.
En effet, la mise en conformité des entreprises à cette stratégie pourrait entraîner un certain coût, potentiellement important pour les entreprises, qui devront s’adapter aux nouvelles règles.
Le Competitiveness Compass met l'accent sur la réduction des dépendances et l'amélioration de la sécurité, ce qui pourrait entraîner des exigences renforcées en matière de gestion des risques et de conformité pour les acteurs du secteur assurantiel. Le secteur pourrait devoir investir davantage dans des systèmes de gestion des risques plus sophistiqués et se conformer à des réglementations plus strictes, augmentant ainsi les coûts opérationnels.
Également, cette stratégie encourage l'innovation, notamment dans le domaine de la technologie et des systèmes d’information. Si cela peut être bénéfique à long terme, il est probable que les réassureurs et assureurs soient contraints d’investir dans des nouvelles technologies et de nouveaux modèles, comme l’intelligence artificielle, les systèmes d’analyse de données ou des systèmes de gestion des données, pour répondre à ces nouvelles exigences réglementaires. Ce processus de transformation numérique pourrait s’avérer coûteux et nécessiter des compétences spécialisées dont certaines entreprises ne disposent pas en interne. Ceci est particulièrement le cas dans le contexte de l’application de « l’IA Act » .
Enfin, certains professionnels appréhendent la mise en œuvre de cette nouvelle stratégie, notamment que la simplification annoncée soit utilisée comme « prétexte » pour freiner les potentielles les initiatives de développement du secteur. L’efficacité de la Boussole dépendra donc de la mise en œuvre effective et adaptée des mesures, afin de parvenir à un équilibre favorisant l’innovation et la simplification tout en soutenant la croissance du secteur.
Le Competitiveness Compass, ainsi que le Package Omnibus offrent des opportunités significatives pour le secteur assurantiel européen, notamment en termes de réduction des charges administratives et de stimulation de l'innovation. Néanmoins, ils soulèvent également de nouveaux défis en matière de conformité, de coûts d’investissement et de gestion des risques. À court terme, le secteur pourrait être challengé par la mise en œuvre de ces nouvelles règles, mais à long terme, cela pourrait se traduire notamment par une transformation positive, favorisant la compétitivité et la résilience du secteur assurantiel européen.
Ces initiatives sont encouragées et soutenues par le secteur de l’assurance, qui espère que ces engagements seront pris en compte dans les discussions en cours sur la Stratégie d’investissement dans le secteur de la distribution, le cadre d’accès aux données financières (FIDA), et la finalisation de la révision de Solvabilité II.
Le Competitiveness Compass (Boussole pour la Compétitivité) présenté par la Commission européenne le 29 janvier 2025 vise à renforcer la compétitivité de l'UE en abordant des enjeux comme l'innovation, la décarbonation et la sécurité. Bien qu'il ne cible pas directement le secteur de l'assurance, certaines mesures auront un impact significatif sur les assureurs, réassureurs et intermédiaires d'assurance.
Le Competitiveness Compass et le Package Omnibus offrent des opportunités de simplification et de stimulation de l'innovation, mais impliquent également des défis en matière de conformité et de coûts d'investissement. À court terme, le secteur devra s’adapter aux nouvelles règles, mais à long terme, cela pourrait renforcer la compétitivité et la résilience du secteur assurantiel européen. Ces initiatives sont vues positivement par les professionnels du secteur, qui attendent des discussions futures sur des mesures comme la révision de Solvabilité II pour aligner ces changements avec leurs besoins.